The Spirit  

Posted by Azariel in


La vie nous joue parfois de drôles de tours, et l'on s'amuse à imaginer un léger rictus se dessinant sur ses lèvres lorsqu'elle frappe avec la plus déconcertante des ironies.
J'avais entamé 2008 par un film dont la qualité n'avait d'égal que l'odeur des chaussettes d'un footballeur à la sortie d'un match de ligue des champions. Il s'avère que Maximus n'avait pas tort en prônant l'idée que "ce que l'on fait dans sa vie résonne dans l'éternité" puisque The Spirit a ouvert le bal de ma nouvelle année cinématographique, et tout comme Aliens vs. Predator - Requiem il y a un an, le film de Frank Miller perpétue une tradition dont je me serais bien passé.
Un écho sans la moindre complaisance puisqu'après avoir découvert le premier avec un ami, écoeuré d'avoir eu à supporter le film (je suis un fan devant l'Éternel de l'Alien et du Predator), j'ai gerbé été peu enthousiasmé par le second en compagnie d'autres amis, tous aussi ravis que moi. Explications.

Pour celles et ceux vivant dans une grotte, Frank Miller est l'un des plus grands auteurs de comic-books que l'univers interstellaire ait jamais vu naître, avec à son actif la renaissance dans les années 80 de figures telles que Daredevil et Batman, ainsi que les romans graphiques 300 et Sin City. Un curriculum vitae impressionnant malgré quelques fausses notes (les scénarios de Robocop 2 et Robocop 3) pour celui qui fut l'ami et l'élève de Will Eisner, le créateur du Spirit dans les années 40.
Reprenant à son compte l'oeuvre du maître afin de la transposer cinématographiquement, Miller, qui a gagné ses galons de réalisateur en collaborant avec Robert Rodriguez et Quentin Tarantino sur l'adaptation de Sin City en 2005, voulait éviter que The Spirit tombe entre de mauvaises mains. Avait-il seulement envisagé que ce serait les siennes qui causeraient le plus grand mal ?


Plusieurs points gênent dans The Spirit, aussi bien dans l'esthétique du film que dans sa réalisation ou son scénario.

On ne peut s'empêcher de faire le parallèle entre Central City et Sin City, tant la volonté de faire d'une ville un personnage à part entière se ressent dans les deux oeuvres. L'une y arrive, l'autre échoue. Les quelques scènes où le Spirit parle de sa ville ne semblent jamais s'intégrer au reste du long métrage, faisant plutôt office "d'ajouts" que de véritable fil rouge. D'autant que résumer une ville à trois lignes de dialogue, quelques sauts de toit en toit et une bouche d'égoût est des plus simpliste. Nous ne ferons pas l'affront de la comparer au Gotham City de Burton, véritable ode à la ville noire et tentaculaire, et ce malgré quelques accords musicaux délibérément empruntés à Danny Elfman dans le Batman de 1989 (tendez l'oreille au début pour vous en apercevoir vous-même).

Une stylisation graphique réduit à son plus simple appareil, nous sommes bien loin de la griffe posée sur Sin City malgré l'emploi des mêmes procédés techniques. Le choix de faire ressortir le rouge de la cravate du Spirit était la bonne piste mais elle ne sera jamais exploitée, puisque le film aurait pu être tout autant en couleurs ou en noir et blanc que cela n'aurait rien changé. Un effet qui donne l'impression d'être là "juste" pour faire acte de présence, sans jamais faire sens.

Côté réalisation, le pire côtoie le pire puisqu'aucune scène ne relève le niveau de l'ensemble, tant tout y est prévisible, maladroit et non-achevé. Les plans sensés magnifier notre justicier laissent de marbre et les raccords sont trop souvent problématiques dans la mesure où ils témoignent d'un désir de faire dans l'effet plutôt que dans l'efficace. Ne s'improvise pas réalisateur qui le veut, et si dans un comic-book la patte de Miller est atypique, elle est ici disproportionnée, le cinéaste oubliant qu'il se doit avant tout de nous raconter une histoire, intéressante et prenante.

Frank Miller : de 5 à 7, green ou pas green ?

Il faut dire que de ce côté-là, Miller compose avec le minimum : les dialogues sont immensément indigents, les personnages insignifiants et caricaturés à l'extrême, et l'histoire désespérement manichéenne et sans surprise. Ou comment Denny Colt (Gabriel Macht), ex-flic abattu dans l'exercice de ses fonctions, revient d'entre les morts pour combattre le crime dans une ville en proie à une forte criminalité, affrontant son némésis Octopus (Samuel L. Jackson) prêt à tout pour obtenir l'immortalité avec l'aide de sa ravissante assistante Silk N. Floss (Scarlett Johansson). Il croisera sur sa route son ancien amour Sand Saref (Eva Mendes), impliquée malgré elle dans le duel au sommet que se livrent les deux ennemis jurés. Un script qui aurait gagné à étoffer les personnages, manquant cruellement de densité, et à s'intéresser davantage à l'exploration du Spirit en quête de vérités.

Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec un schéma scénaristique se répétant sans cesse durant 1H43, à savoir du blabla inutile pendant 15 minutes, 3 minutes de baston, 5 minutes dans les bras de la nurse (Sarah Paulson) pansant les blessures (?!) du héros, et ainsi de suite.
Ce ne sera pas la performance des acteurs qui nous permettra de nous mettre des oeillères sur cette fumisterie grossière, tant ils forcent tous le trait, particulièrement dans l'intonation de leur voix, donnant plus envie de rire que de rentrer dans le trip. Le ridicule ne tue pas, pourtant, parfois, il devrait.


En bref : Si l'on comprend la démarche parodique et exagérée de Frank Miller, voulant insuffler une aura épique et héroïque dans un univers sombre des 40's, le cinéaste tombe trop facilement dans la caricature sur tous les plans et arrive même à ennuyer prodigieusement. Les scènes de dialogue prennent le pas sur les scènes d'action, et ni les unes ni les autres ne passionnent. Un comble lorsque l'on connait l'oeuvre d'Eisner, irrévérencieuse à souhait. Sans conteste mon coup de gueule de l'année.

Rang : E

Plus d'infos sur ce film

This entry was posted on 04 janvier 2009 at dimanche, janvier 04, 2009 and is filed under . You can follow any responses to this entry through the comments feed .

6 commentaires

Je plussoie concernant la nullité d' 'Alien VS Predator - Requiem ou comment rendre complètement ridicules des créatures emblématiques notamment le Predator. J'avais préféré le 1 même si c'était pas l'extase cinématographique non plus.
Ta critique sur ' The Spirit' me rassure, moi qui n'avait aucune envie de voir ce film, aucune raison de m'y forcer donc.
J'espère néanmoins que tes yeux et tes synapses ont pu cicatriser à la suite de cet essai raté.

4 janvier 2009 à 20:27

@ Bulle d'encre : J'ai beaucoup aimé le Predator de McTiernan, avec l'inoubliable Schwarzy. Ce qui a suivi ensuite fut de bien moindre envergure, hélas. Un monstre sacrifié sur l'autel du capitalisme, malheureusement.

J'ai beaucoup d'affection pour l'Alien aussi, qui fut admirablement porté à l'écran par deux très grands noms : Ridley Scott et James Cameron. Deux films différents mais bourrés de qualités, notamment le premier, qui est une petite révolution cinématographique en matière de SF.

Quant à mon état de santé suite au visionnage de The Spirit, c'est très gentil de ta part de t'en soucier, on ne pense jamais assez à mes pauvres neuronnes. Mais si cela peut te rassurer, je vois tellement de films mauvais dans ma vie que je suis aussi blindé qu'un coeur de pierre face à une créature de rêve. Ce qui fait mal généralement, c'est la déception, et fort heureusement je n'attendais de The Spirit que de passer un bon moment, ce qui fut loin d'être le cas.

*croise les doigts pour que son Top 10 des films les plus attendus en 2009 ne le décoive pas*

5 janvier 2009 à 01:23

C'est rude de voir the Spirit récolter cette note.

Je suis déçu, je m'attendais quand même à mieux. J'attendais ce film quand même avec pas mal d'impatience, tant il y avait de bons ingrédients pour laisser présager d'un bon film. Mais à priori la mayonnaise ne prend pas (et tu n'es pas le premier que je lis à dire ça).

Quelle déception qu'il soit pas terrible! Par contre, même si j'ai pas encore vu le film, j'ai l'impression que tu as été très sévère avec ce E.

Peut être que cette note révèle plus ta déception, que la qualité réelle du film

5 janvier 2009 à 10:41

@ Kameyoko : Quand j'ai mis le E, je me suis tout de suite dit que l'on y verrait la réaction d'un fan frustré. Seulement ce n'est pas le cas. Je n'attendais pas avec impatience The Spirit, j'espérais juste qu'il soit divertissant et aussi bien foutu que Sin City d'un point de vue graphique.

Le mieux est d'aller voir le film toi-même, car si tu as lu des gens partageant mon analyse, j'ai lu moi des gens qui ont réussi à aimer cette daube.
Contrairement à Mamma Mia ! où je me suis contenté d'une critique courte, puisque l'évidence-même faisait que je n'avais pas besoin d'en dire plus tant le film se veut lui-même être une bonne grosse daube, j'ai développé pour The Spirit. En analysant le film des pieds à la tête, il n'y a rien dans le long métrage de Frank Miller qui soit louable. Absolument rien. Le E se justifie dès lors pleinement.

On en reparle de toute façon une fois que tu l'auras vu ^^

5 janvier 2009 à 15:18
Anonyme  

Qu'est-ce que je me suis ennuyé pendant la projection de ce film... mortel...
Alors j'ai enchainé sur "Tout... sauf en famille" pour ne pas rester sur une mauvaise impression et je me suis la aussi beaucoup ennuyé!
Bref, c'est une semaine cinématographique à oublier (j'ai pas poussé le masochisme jusqu'à aller voir un troisième film!)

5 janvier 2009 à 21:05

@ Z[é] : Tiens, étonnant, j'aurai pensé que tu serais le premier à remettre en question ma note. Je me suis dit : "il va me trouver trop sévère". Apparemment pas puisque tu as ressenti tout comme ma bande de potes et moi-même un profond ennui devant cet énorme râté.

Je comprends que tu te sois également ennuyé devant Tout... sauf en famille. J'ai mis C parce qu'il est loin d'être mauvais, mais effectivement, il aurait gagné à être irrévérencieux. Au moins autant que lors de la visite au père de Vince Vaughn. Dommage.

La semaine prochaine, ce n'est pas fameux non plus, je soupçonne Twilight d'être une énorme bouse, et De l'autre côté du lit ne m'intéresse que parce que je vais pouvoir papillonner des yeux devant Sophie Marceau. Quant au Che, j'attends de voir la première partie mais avec Soderbergh derrière la caméra, un flop ne m'étonnerait pas.

Vivement le 28/01 !

5 janvier 2009 à 22:10

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