Réalisé par John Woo
Film d'action culte hong-kongais (1989)
Durée : 1H50
Avec Chow Yun-Fat, Danny Lee, Sally Yeh
Date de sortie Hong-Kong : 06 Juillet 1989
Date de sortie France : 03 Mai 1995
Récompense(s) : Hong Kong Film Awards 1989 (meilleur réalisateur, meilleur montage)
Synopsis : Un tueur à gages désireux de mettre un terme à sa carrière blesse une chanteuse durant l'exécution d'un contrat, provoquant sa cécité. Touché par sa détresse, il accepte une ultime fois de reprendre les armes afin de payer l'opération coûteuse qui rendrait la vue à celle dont il est tombé amoureux. Mais il sera très rapidement pris dans un engrenage mortel : poursuivi par un flic coriace et par ses commanditaires, trahi par son plus vieil et meilleur ami, la loi des armes sera le ballet qu'il orchestrera avant que ne vienne le chant du cygne.
Les années 1980 sont les années du bulldozer américain sous l'ère Reagan, celles du héros gonflé à bloc dont la musculature titanesque faisait sauter d'une flexion thoracique tous les boutons de sa chemise. Bref, ce sont les années Schwarzenegger, Stallone et Van Damme. Le monde occidental était inondé par cette nouvelle race filmique hollywoodienne où la conduite non-stop de l'action caractérisait la médiocrité de ces productions.
Mais réduire le cinéma des années 1980 à cet aspect d'Hollywood serait fermer les yeux sur un petit territoire du sud de la Chine qui se nomme Hong-Kong, où un homme allait révolutionner le polar avec maestria à travers Le Syndicat du crime, en 1986. Cet homme, c'est John Woo.
Chef de file d'une nouvelle génération de cinéastes asiatiques surdoués, comprenant Tsui Hark ou encore Ringo Lam, "The Woo" donna avec The Killer une nouvelle dimension au cinéma d'action, à travers des procédés filmiques irrévérencieux et spectaculaires afin de mettre en abîme un thème qui sera le fil rouge de son oeuvre des années durant : l'indistinction entre le bien et le mal.
Les années 1980 sont les années du bulldozer américain sous l'ère Reagan, celles du héros gonflé à bloc dont la musculature titanesque faisait sauter d'une flexion thoracique tous les boutons de sa chemise. Bref, ce sont les années Schwarzenegger, Stallone et Van Damme. Le monde occidental était inondé par cette nouvelle race filmique hollywoodienne où la conduite non-stop de l'action caractérisait la médiocrité de ces productions.
Mais réduire le cinéma des années 1980 à cet aspect d'Hollywood serait fermer les yeux sur un petit territoire du sud de la Chine qui se nomme Hong-Kong, où un homme allait révolutionner le polar avec maestria à travers Le Syndicat du crime, en 1986. Cet homme, c'est John Woo.
Chef de file d'une nouvelle génération de cinéastes asiatiques surdoués, comprenant Tsui Hark ou encore Ringo Lam, "The Woo" donna avec The Killer une nouvelle dimension au cinéma d'action, à travers des procédés filmiques irrévérencieux et spectaculaires afin de mettre en abîme un thème qui sera le fil rouge de son oeuvre des années durant : l'indistinction entre le bien et le mal.
Le cinéma de John Woo repose sur l'identification dans la confrontation. Toute la beauté de la démarche réside dans le fait que c'est filmiquement que le maître du cinéma d'action hong-kongais rend compte de la dualité de ses personnages. Que dire de cette magifique scène où Chow Yun-Fat et Danny Lee discutent au bord d'une rivière, pourtant ennemis puisque l'un tueur professionnel et l'autre policier à ses trousses : Woo brise la sacro-sainte loi des 180° dans un champ / contrechamp en amorce avec transgression de la règle pour qu'il y ait symétrie entre les deux personnages. Chacun devient le miroir tendu vers l'autre, et l'identification s'opère sans que l'on ne perde ce qui est essentiel à la continuité visuelle et logique de la séquence.
Un face à face qui ne sera pas le seul et qui témoigne d'une véritable volonté du cinéaste à confronter deux éthiques morales opposées comme pour nous rappeler que le diable se trouve dans le coeur de chaque créature de Dieu. Woo dira d'ailleurs à propos du face à face d'À toute épreuve (1992) : "C'est ma signature. D'après moi, personne n'est parfait sur cette planète. il n'y a pas de vrais gentils ou méchants. On peut se reconnaître dans les "méchants". Les "méchants" peuvent se reconnaître dans les "gentils". C'est pourquoi je m'arrête sur ces face à face. Peu importe que les personnages soient du côté des "bons" ou des "mauvais", ils sont tous égaux."
Chaque détail dans le cinéma de Woo témoigne de la volonté à confondre bien et mal, allant jusqu'à plonger ses personnages dans un bichromatisme incarnationnel faisant sens dès lors que le face à face s'opère : le tueur dans un costume blanc et une cravate sombre, le policier dans un costume sombre recouvrant une chemise blanche.
Un face à face qui ne sera pas le seul et qui témoigne d'une véritable volonté du cinéaste à confronter deux éthiques morales opposées comme pour nous rappeler que le diable se trouve dans le coeur de chaque créature de Dieu. Woo dira d'ailleurs à propos du face à face d'À toute épreuve (1992) : "C'est ma signature. D'après moi, personne n'est parfait sur cette planète. il n'y a pas de vrais gentils ou méchants. On peut se reconnaître dans les "méchants". Les "méchants" peuvent se reconnaître dans les "gentils". C'est pourquoi je m'arrête sur ces face à face. Peu importe que les personnages soient du côté des "bons" ou des "mauvais", ils sont tous égaux."
Chaque détail dans le cinéma de Woo témoigne de la volonté à confondre bien et mal, allant jusqu'à plonger ses personnages dans un bichromatisme incarnationnel faisant sens dès lors que le face à face s'opère : le tueur dans un costume blanc et une cravate sombre, le policier dans un costume sombre recouvrant une chemise blanche.
Une dimension iconographique d'autant plus singulière qu'elle annonce qui plus est la fin du long métrage, le blanc étant en Chine synonyme de deuil, de même qu'elle symbolise la part de bonté de Jeff, tueur hors du commun car pourvu d'une sensibilité que son adversaire ne se découvrira qu'à la fin. Un jeu d'inversion qui montre toute la richesse que l'on trouve chez les personnages de Woo, chacun n'étant qu'une face de la même pièce, nous rappelant la genèse d'une fresque de Léonard de Vinci intitulée La Cène. Une histoire des plus surprenantes puisqu'elle narre la difficulté de l'artiste à trouver le visage qu'il pourrait prendre pour modèle afin de personnifier le mal à travers Judas. Trois années furent nécessaires pour que de Vinci trouve un visage qui soit la représentation idoine du perfide, et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il constata qu'il avait pris trois ans plus tôt la même personne pour incarner sur son oeuvre Jésus. Le malheureux avait seulement tout perdu entre temps, et le désespoir avait altéré ses traits. Autrement dit, le bien et le mal ont le même visage, tout dépend seulement du moment où l'un et l'autre croisent le chemin de chaque être humain.
En comprenant toute la complexité de l'homme à être double, Woo apporte à ses personnages une intériorité biblique favorisant la trajectoire héroïque qu'il tend à dessiner à travers d'autres moyens filmiques, et font de son cinéma un art reconnaissable entre tous.
Plutôt que d'employer le dutch angle afin de favoriser la tension de ses scènes, Woo réinvente l'utilisation de la variation de la vitesse d'obturation de la caméra sous maintes formes, à commencer par l'effet de ralenti, rémanent dans The Killer mais également dans Le Syndicat du crime ou encore Volte-face. L'impact dramatique des scènes s'en trouve prolongé, également grâce aux plans de répétition que Woo instaure lorsqu'un assassin dégaine son arme à feu : une forme différente du ralenti qui témoigne de toute l'intelligence du réalisateur à marquer l'importance de ses scènes d'action tout en travaillant la dimension héroïque de son spadassin.
Woo pousse le vice jusqu'à se servir du plan gelé pour immortaliser l'amitié naissante entre Fat et Lee, détournant l'habitude que l'on avait de l'arrêt sur image servant jusque là à terminer un film sur une note sensible ou énigmatique. Une réinvention totale et transgressive des règles qui font toute la force du cinéma de John Woo.
En comprenant toute la complexité de l'homme à être double, Woo apporte à ses personnages une intériorité biblique favorisant la trajectoire héroïque qu'il tend à dessiner à travers d'autres moyens filmiques, et font de son cinéma un art reconnaissable entre tous.
Plutôt que d'employer le dutch angle afin de favoriser la tension de ses scènes, Woo réinvente l'utilisation de la variation de la vitesse d'obturation de la caméra sous maintes formes, à commencer par l'effet de ralenti, rémanent dans The Killer mais également dans Le Syndicat du crime ou encore Volte-face. L'impact dramatique des scènes s'en trouve prolongé, également grâce aux plans de répétition que Woo instaure lorsqu'un assassin dégaine son arme à feu : une forme différente du ralenti qui témoigne de toute l'intelligence du réalisateur à marquer l'importance de ses scènes d'action tout en travaillant la dimension héroïque de son spadassin.
Woo pousse le vice jusqu'à se servir du plan gelé pour immortaliser l'amitié naissante entre Fat et Lee, détournant l'habitude que l'on avait de l'arrêt sur image servant jusque là à terminer un film sur une note sensible ou énigmatique. Une réinvention totale et transgressive des règles qui font toute la force du cinéma de John Woo.
On sentait déjà mûrir dans l'esprit du metteur en scène ce personnage de tueur impitoyable dans Le Syndicat du crime premier du nom lorsque le même Chow Yun-Fat, apparaissant dans la succession d'un plan au ralenti au coeur d'un montage alterné, se rapproche de ses victimes attablées et filmées en temps réel, ce qui marque déjà une caractérisation stylistique propre à Woo, qui ne cherche ni à déifier ni à glorifier son personnage : il n'y a ni héros ni gentils chez Woo, il n'y a que des personnages tragiques qui empruntent une trajectoire héroïque à leur insu. La grande forme deleuzienne n'en retrouve que davantage d'éclat dans une crise de l'image-action que Woo se plait à ignorer, comme s'il aimait à rappeler que le cinéma ne se conjugue pas seulement avec Hollywood. Un petit rappel bienvenue en cette période cinématographique.
Ce n'est cependant pas la seule qualité que l'on prêtera à The Killer. Loin de là. Parce que Woo n'en est pas moins un faiseur qu'un créateur, le réalisateur démontra tout son talent en donnant une dimension esthétique aux gunfights.
Dans la mise en place de ses affrontements, Woo multiplie les angles de prise de vue, les panoramiques, alterne le plan américain et le plan rapproché épaule, et réussit à donner une nervosité propre à la construction de son récit, là où d'autres à la même époque auraient rendu le montage épilleptique, voire usé de l'angle mouvant ou du flip over à tort et à travers. Le dynamisme chez Woo se trouve dans le plan, jamais dans son arrangement. Une force retentissante à plus d'un titre qu'aujourd'hui la méthode demeure inusitée, exception faite de Johnnie To, digne hériter du maître.
Ce n'est cependant pas la seule qualité que l'on prêtera à The Killer. Loin de là. Parce que Woo n'en est pas moins un faiseur qu'un créateur, le réalisateur démontra tout son talent en donnant une dimension esthétique aux gunfights.
Dans la mise en place de ses affrontements, Woo multiplie les angles de prise de vue, les panoramiques, alterne le plan américain et le plan rapproché épaule, et réussit à donner une nervosité propre à la construction de son récit, là où d'autres à la même époque auraient rendu le montage épilleptique, voire usé de l'angle mouvant ou du flip over à tort et à travers. Le dynamisme chez Woo se trouve dans le plan, jamais dans son arrangement. Une force retentissante à plus d'un titre qu'aujourd'hui la méthode demeure inusitée, exception faite de Johnnie To, digne hériter du maître.
Plus encore, les changements importants d'angle de prise de vue permettent au cinéaste de maîtriser son espace, et là où l'on aurait du mal à comprendre la conduite de l'action ailleurs, il y a chez John Woo une prééminence à la composition spatiale autant qu'une économie de mouvements rendant étonnamment lisible les joutes que se livrent les opposants. La chorégraphie macabre est certes bien moins théâtrale que chez un To ou chez un Hark, mais il émane du plan pour ce qu'il est en lui-même une puissance cristalline dont la beauté subjugue le spectateur. Considérer The Killer comme une ode à la violence serait voir à bien courte portée, car s'il est vrai qu'au début des années 1990 l'on était peu habitué à voir tant de morts au cinéma en moins de deux heures (120 morts au total, chiffre pouvant être revu à la hausse suite à divers montages que le film a connu par la suite), le ballet funeste a cela d'envoûtant qu'il dégage une plasticité indéniable tant le choix des angles suprennent par leur contingence.
Passionnant de bout en bout, The Killer reste le chef-d'oeuvre du John Woo durant sa période asiatique, confirmant définitivement le statut de grande star de Chow Yun-Fat, dont la classe naturelle est encore plus éclatante que dans Le Syndicat du crime. Assurément le rôle de sa vie. Rôle qu'il doit bien sûr à sa fructueuse collaboration avec John Woo, mais aussi à un film de Jean-Pierre Melville, Le Samouraï (1967), dont est inspiré le personnage de Jeff.
À la fois film d'action et film dramatique, jonglant entre romance et policier, The Killer est un long métrage qu'il est difficile de ne pas voir sous peine de louper une pièce essentielle de l'Oeuvre d'un maître qui n'a pas fini de nous surprendre. En attendant Les Trois royaumes pour vous en convaincre.
Passionnant de bout en bout, The Killer reste le chef-d'oeuvre du John Woo durant sa période asiatique, confirmant définitivement le statut de grande star de Chow Yun-Fat, dont la classe naturelle est encore plus éclatante que dans Le Syndicat du crime. Assurément le rôle de sa vie. Rôle qu'il doit bien sûr à sa fructueuse collaboration avec John Woo, mais aussi à un film de Jean-Pierre Melville, Le Samouraï (1967), dont est inspiré le personnage de Jeff.
À la fois film d'action et film dramatique, jonglant entre romance et policier, The Killer est un long métrage qu'il est difficile de ne pas voir sous peine de louper une pièce essentielle de l'Oeuvre d'un maître qui n'a pas fini de nous surprendre. En attendant Les Trois royaumes pour vous en convaincre.
Azariel, qui pensera à toujours garder une balle dans son chargeur.
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on 11 janvier 2009
at dimanche, janvier 11, 2009
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