In the Air  

Posted by Azariel in

A croire que tout ce que touche Jason Reitman se transforme en or ! Après la très belle parenthèse Juno, le fils du célèbre réalisateur Ivan Reitman (souvenez-vous, S.O.S. Fantômes !) revient dézinguer avec une justesse désarmante monde de l'entreprise et individualisme, et à travers eux il nous offre une satire sociale à la fois acerbe et mélancolique pour dépeindre cette Amérique désenchantée dont le rêve idyllique n'est plus qu'un lointain souvenir.

Il n'y était déjà pas allé de main morte dans Thank you for smocking, usant sans modération de l'ironie mordante qui caractérise son cinéma. Ici, le sarcasme est doux-amère, la collision n'étant pas frontale mais humaine avant tout. Jugez plutôt : Ryan Bingham (George Clooney) fuit depuis toujours le moindre engagement, préférant sa vie professionnelle au bonheur d'une relation stable. Sillonnant l'Amérique dans les airs, son travail un rien sadique a fait de lui un spécialiste du licenciement convoqué par des chefs d'entreprise n'ayant le courage de se salir eux-mêmes les mains. Seulement, derrière son sourire un rien charmeur et sa méthode merveilleusement calibrée se cache une conscience trop soucieuse de son prochain pour en faire le monstre qu'il voudrait être. Sa rencontre avec la ravissante Alex Goran (Vera Farmiga) va finir par bouleverser ses certitudes et la vie d'hôtel qu'il chérit tant. Et doucement, avec une pudeur qu'on ne lui connaissait pas jusque là, Reitman va opérer la métamorphose du poignard en crève-coeur, son personnage aérien étant ramené aux réalités qu'il tentait de fuir depuis toujours.

Il faudra s'y faire : George boit autre chose qu'un Nespresso !

La beauté de ce chambardement se trouve dans le procédé d'inversion que connaît Bingham, étreint par la détresse de se retrouver écrasé par un système dont il se disait jusqu'à ce que l'amour s'en mêle le plus fervent défenseur. George Clooney trouve là l'un de ses plus beaux rôles, son statut de bellâtre étant fermement malmené par un scénario intelligent et malicieux, d'ailleurs récompensé aux derniers Golden Globes, à juste titre. Ne sachant plus qui du marteau ou de l'enclume il doit se faire l'apôtre, il finira inexorablement par se retrouver entre les deux, malmené par ses convictions vacillantes et son assurance chancelante sitôt qu'il se découvre à la fois grand frère et amant.

Reitman s'emploie à dévoiler avec parcimonie son jeu, tapant fort dans la première demie-heure sur l'aspect railleur, pour subtilement, à l'aide de gants de velours, de maîtrise, de légèreté, glisser vers le portrait d'un homme tourné en dérision par le reflet de son propre miroir. Avec un tel film, au twist final un brin déprimant, difficile dès lors d'affirmer que la solitude est le remède aux maux de la terre. En cela, In the Air constitue une comédie aux charmes étincelants et à la magie ensorcelante.


En bref : On pourra ne pas apprécier le glissement qu'opère In the Air en son sein, démarrant comme une satire sociale acerbe et se concluant comme une comédie romantique à la fois drôle et amère. Il n'empêche que quelque soit la piste d'envol que prend le pilote Jason Reitman, il embarque son spectateur sans peine. L'atterrissage n'est pas au programme, préparez-vous à un voyage sans escale vers du cinéma de haute volée !

Rang : A

This entry was posted on 27 janvier 2010 at mercredi, janvier 27, 2010 and is filed under . You can follow any responses to this entry through the comments feed .

8 commentaires

J'ai adoré la bande annonce, et ce film fait partie des quelques films que j'ai très envie de voir (après Invictus et A serious man, j'ai du retard) !.
Ta critique m'allèche encore plus !

28 janvier 2010 à 11:17

Eh Céline tu veut qu'on aille s'allécher devant ensemble ?
Pas encore vu non plus.

28 janvier 2010 à 17:46

On va aller voir Invictus dimanche mais on peut tenter un autre soir :)

28 janvier 2010 à 19:38

@ Céline/Rhia : Tu ne perds pas grand chose en loupant A Serious Man, mais étant un film des frères Coen, tout bon cinéphile se doit de toute façon d'aller le voir.

Quant à Invictus, si Astraal se décide à écrire la critique dont il a le brouillon depuis deux semaines à côté de lui, tu auras peut-être un aperçu de ce que tu es en train de louper sur CinéBlog. "Peut-être"... (bouge tes fesses Astraal, bordel !)

Ravi en tout cas que ma critique t'ait donné l'eau à la bouche, c'est que je l'ai bien écrite malgré l'heure tardive à laquelle je m'y suis attelé ^^

@ Astraal : J'sais pas encore si tu vas over-kiffer. J'attends ton avis :-)

@ ada : Invictus risque de dégager de la plupart des salles dès la semaine prochaine, grosses sorties oblige. Alors un conseil : ne le ratez pas ce week-end !

28 janvier 2010 à 23:12

A ??
Bon c'est vrai que c'est un film moderne, plaisant à regarder, mais je ne trouve pas qu'il soit si exceptionnel que ca non ? Si on enlève Georges Clooney, In the air perd une grande partie de son charme...

31 janvier 2010 à 14:21

@ Knorc : Mais c'est justement parce que le film a été pensé pour que George Clooney ait ce rôle que la question de savoir si le film fonctionnerait avec lui ou sans ne se pose pas. George, c'est l'image de l'éternel séducteur célibataire qui les fait toutes tomber. Or, puisque tu as vu le film, tu en connais le dénouement final et la baffe que George se prend : c'est justement parce que c'est George qui joue ce rôle que cela fonctionne si bien, que le message est clair, précis, et qu'il passe à merveille. Relire la critique pour le prendre en considération et s'en convaincre.

Ma seule réserve est que le glissement satire sociale / comédie romantique pourrait paraître déplacée, et encore, comme je le souligne, je trouve que cette variation n'est en aucun brutale et qu'elle passe, par des effets de mise en scène et grâce au scénario, comme une lettre à la Poste (pas la nôtre, évidemment : faut pas pousser mémé dans les orties). Autrement, il n'y a pas grand chose à reprocher à ce long métrage qui allie charme et modernité, comme tu l'as toi-même évoqué.

1 février 2010 à 22:45

Ca y est ! J'ai vu et je suis totalement d'accord avec ta critique. C'est absolument fantastique... Et, même s'il en constitue le personnage principal, Clooney n'est pas le seul acteur du film : les deux femmes sont également brillantes, et leurs personnages au moins aussi travaillés que Ryan.
La confrontation entre la jeune fille de 23 ans aux dents longues et au chemin de vie tracé et la femme de 34, qui semble si libre, est très très réussie.

En revanche, j'ai un désaccord avec toi : je ne trouve pas du tout que le film se transforme en comédie romantique, pas plus qu'il n'était qu'une satire sociale au début.
Le travail comme la relation amoureuse sont pris métaphore de notre capacité d'engagement (cf. la remarque sur le fait de larguer quelqu'un par sms) : et finalement, le film ne parle que de l'engagement, sous toutes ses formes et de la dépendance aux autres. Sac à dos, entretien de licenciement, famille ou amante ne sont que des illustrations.

J'ai également trouvé très intéressante l'opposition entre deux générations : celle de Ryan et d'Alex, qui prônent l'absence d'engagement, le fait de se libérer de la relation à autrui. Et celle de la petite conne de Natalie, où l'autre n'existe même plus et où l'égoïsme se pare des nouvelles technologie pour s'isoler encore plus.

Bon, je crois que je vais m'atteler à la rédaction de la critique sur mon blog, plutôt que de saturer le vôtre !

PS : Si même Clint n'arrive pas à faire bouger Astraal, je ne sais pas qui y arrivera. Quoiqu'il trouve peut-être trop dur d'avouer que son réalisateur chouchou a fait un film moyen et oubliable ?
PS2 : j'abandonne A serious man : je ne suis pas assez cinéphile pour me taper un film dont les critiques s'accordent pour dire qu'il est pas top. Et les frères Coen et moi, c'est pas toujours le grand amour.

5 février 2010 à 12:57

@ Céline/Rhia : Tu es pourtant bien la seule (façon de parler) à ne pas avoir vu ce glissement (la majorité des critiques s'en plaignant) pourtant voulu par le réalisateur qui le dit lui-même en parlant de son film, évoquant ci et là son besoin d'instaurer de l'humour dans la gravité et inversement. Il édulcolore son propos un rien acerbe des premiers instants en parlant bien sûr du refus de l'engagement, thème essentiel d'In the Air, mais cela à travers une histoire d'amour qui n'en sera jamais une, au grand damne de notre Clooney solitaire.

De même, que tu ne décèles pas la satire pourtant virulente bien que moindre si on la compare à Thank you for smocking m'apparait encore plus étonnant que cela me laisse à croire que tu es passée à côté de la première demie-heure du film. C'est bien plus que de simples illustrations, c'est le chemin qu'arpente Reitman Jr. depuis le début de sa filmographie et lui apporte sa cohérence inespérée.

Quant à Astraal, que veux-tu, je pense qu'on est arrivé à un point où le désespoir serait de toute façon une perte de temps :D (Invictus, moyen et oubliable, faut pas pousser mémé dans les orties non plus !)

6 février 2010 à 23:54

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