Trainspotting en 1996, The Beach en 2000, 28 Days later en 2002, Sunshine en 2007 : voila une liste non exhaustive de films qui fait preuve de l'écclectisme du réalisateur britannique Danny Boyle tant ceux ci sont différents.
Et ce n'est pas Slumdog Millionaire, son nouveau film que nous pouvons découvrir depuis mercredi en salle, qui va nous faire penser le contraire.
Ce dernier attire l'attention des cinéphiles cette semaine dans la mesure ou il a déja engrangé plus d'une vingtaine de récompenses dont 4 Golden Globes dimanche soir.
Alors ? A la hauteur de sa réputation ou faux chef d'oeuvre ?
Le film prend le parti de montrer la vie d'un jeune homme, Jamal Malik (interprété par Dev Patel qui évolue notamment dans la série Skins) par le biais d'un montage alterné entre l'émissions "Who wants to be a millionaire" version indienne et des tranches de sa vie reliées en flashback aux questions du jeu.
Ce qui impressionne avant tout dans le film c'est le rapport fusionnel et étroit entre le réalisme énergique de la mise en scène et le lyrisme de l'histoire.
Ainsi s'entrelacent la réalité de la misère des bidonvilles en Inde et une histoire d'amour pure et absolue, inhérente à toute l'articulation du récit, dont le style flirte parfois avec ceux des mélos bollywoodiens sans tomber véritablement dans la mièvrerie de ceux ci (cf. notamment le générique de fin à la fois hommage et parodie à ce cinéma).
Il faut bien le dire, le tout fonctionne la plupart du temps à merveille.
Pour ce qui est du réalisme, l'évolution de l'Inde et notamment de la ville de Bombay en une quinzaine d'années est tout simplement bluffante.
De la course poursuite à travers les slums du début du film (d'où provient certainement le slumdog "chien des bidonvilles") à ces plans panoramiques grandioses dominant le quartier d'affaires moderne naissant de la ville en passant par l'éxotisme luxueux et flamboyant du Taj Mahal, tout est réuni pour nous plonger dans la diversité et le folklore du paysage indien d'une part et nous faire prendre conscience de la réalité misérable qui se dégage de ces villes tentaculaires et étouffantes.
Trainspotting est la pour nous le rappeler, Boyle excelle lorsqu'il s'agit de faire coincider une bande son stylisée et un montage nerveux, clippé voire quasiment épileptique.
Slumdog Millionaire va également dans ce sens voire même outrepasse l'illustre film de 1996 tant cette dualité audiovisuelle, lorsqu'elle se veut frénétique à certains moments du film, peut autant vous couper le souffle que vous asséner une claque monumentale.
Parallèlement, on suit chez les protagonistes le passage de l'enfance à l'âge adulte et la encore le soin apporté au réalisme de leur évolution est éclatant.
Le choix des enfants et adolescents pour incarner les protagonistes plus jeunes est judicieux et leurs changements très cohérents. On y croit vraiment et c'est loin d'être le cas dans la plupart des films actuellement.
Par ailleurs, le réalisateur met un point d'honneur à dénoncer ceux qui profitent de la misère sociale, que ce soit le mafieux qui s'enrichit grâce à la mondialisation, le malfrat qui ampute des enfants abandonnés pour en tirer un meilleur profit ou même le présentateur du jeu qui s'avérera être également un spéculateur vaniteux.
Dans une optique proche se dessine une double trajectoire qui se base autour d'une fraternité à la fois conflictuelle et fusionnelle : le bon, l'immaculé, l'amoureux et valeureux Jamal d'une part et Salim, personnage plus complexe et intéressant, qui nage successivement entre le ying et le yang tout au long du film.
On pourrait d'ailleurs regretter que cette relation fraternelle ne prenne pas complètement le pas sur l'histoire d'amour, malgré tout moins intéressante puisque relativement convenue.
En Bref : Un film qui se vit comme une éxperience cinématographique dépaysante et originale. A la fois critique sociale internationale et romance à la sauce Boyle-ywood, on est pris dans l'histoire du début jusqu'à la fin et les temps morts sont plutôt rares. On retiendra une mise en scène très relevée, survoltée par moments, misant à la fois sur le réalisme et le lyrisme, une cohérence impressionnante dans l'évolution de l'urbanisme indien ainsi que des protagonistes et un soin particulier pour servir un montage alterné en flashback, efficace et intelligent. A contrario, l'histoire d'amour sur laquelle s'articule tout ceci restera un poil simpliste.
Rang : A/B
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