Brüno  

Posted by Azariel in

Le tour de force de Sacha Baron Cohen, déjà opéré sous les traits de Borat, est de réussir à mêler approche documentaire et fiction drôlissime pour tendre un miroir des plus virulents à l'encontre des sociétés occidentales, même si le mariage entre folie réelle et réalité abstraite se révèle moins percutant avec ce personnage d'homosexuel autrichien débarquant aux Etats-Unis dans l'unique but de devenir célèbre.

Brüno est donc le prétexte pour le comédien anglais de lutter à nouveau contre les discriminations les plus perverses parce que profondément encrées dans nos moeurs. Il fallait dès lors mettre en images de manière particulière la connerie humaine pour que le pied-de-nez soit aussi acerbe que la bêtise qui à l'origine le motive, ce pour quoi la puissance comique de ce pamphlet dérange aussi nécessairement qu'il amuse. Il faut la voir, cette séquence où Brüno et son assistant se tripotent sur un ring de catch devant un parterre de rednecks homophobes autant stupéfaits que furieux, ou encore celle où le gay s'amuse à tourner en dérision un véritable leader du terrorisme islamiste lors d'une interview pour le moins saugrenue. Sans parler des stars américaines épinglées comme jamais sur l'autel de l'ironie mordante, le rapprochement entre Mel Gibson et Adolf Hitler n'étant pas sans nous rappeler l'actualité récente de l'inoubliable interprète de "Mad" Max Rockatansky.

Il est alors impressionnant de constater avec quelle désinvolture l'actuel compagnon d'Isla Fisher n'hésite pas à multiplier les critiques irrévérencieuses à l'égard des compatriotes de l'Oncle Sam, parfois de manière totalement allusive, souvent en enfonçant le clou jusqu'à ce que cela soit le marteau qui le premier cède sous les coups de boutoir. C'est par ailleurs ce manque de limite qui s'avère être la limite-même de la "méthode Baron Cohen", le graveleux l'emportant fréquemment sur le discours moralisateur de la pensée burlesque diluvienne.

To bite or not to bite ? That is his answer !

Si la vulgarité est jubilatoire, il faut admettre que l'effet de surprise était quant à lui émoussé par les frasques passées du comédien sous les traits du journaliste kazakh. C'est donc dans la surenchère que Sacha Baron Cohen va chercher à offusquer, n'hésitant pas à composer avec l'impensable au point d'être foncièrement grossier sous couvert de satire choquante par essence. Celle-ci s'avère pourtant à l'occasion contingente, en témoigne cette séquence où le méat urétral d'un pénis se met à scander le prénom de Brüno. L'on veut bien qu'il y ait dénonciation du caractère très pédant du monde de la publicité et de la mode, mais la finesse n'est-elle pas une arme qu'il aurait valu parfois mieux employer afin de renforcer un propos en soi suffisamment corrosif ?

Même remarque concernant la fréquence exagérée des boutades renvoyant au nazisme lorsqu'il est question d'antisémitisme et d'homophobie, idée convenue et stéréotypée parce qu'incroyablement réductrice. L'approche caustique n'en demeure pas moins percutante mais elle est basée sur une vision personnelle et en aucun cas universelle, ce qui nous rappelle sans mal Michael Moore et son penchant à nourrir au montage son discours selon les besoins du dessein préalablement fixé. A la différence qu'un film de Sacha Baron Cohen vaut cent films de Moore parce qu'ils n'ont pas leur pareil pour confronter directement le spectateur à ce qu'il y a de pire en lui. Et c'est peut-être ainsi et seulement ainsi que les choses pourront peut-être un jour changer.

Ne craignez rien : la zoophilie n'est à aucun moment abordé dans ce film !


En bref : Bien que l'effet de surprise soit moindre, Sacha Baron Cohen se révèle toujours aussi incisif et n'a pas son pareil pour dénoncer les travers de notre société. Dans Brüno, il s'attaque sèchement à l'homophobie et au monde de la mode, faisant preuve d'une inconscience inouïe pour nous bluffer autant que pour nous convaincre. Reste quelques tendances acrimonieuses manquant de parcimonie qui devraient trouver dans la finesse ce qu'elles ne provoquent pas dans leur caractère abrupt, parce qu'il est parfois des blagues qui devraient tourner court pour être encore meilleures.


Rang : B

Plus d'infos sur ce film

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2 commentaires

Anonyme  

Bruno c'est l'homosexualité masculine sous le capitalisme. Délicat...

http://ysengrimus.wordpress.com/2008/08/13/homosexualite-masculine-et-capitalisme/

mais partiellement salutaire.

Paul Laurendeau

23 juillet 2009 à 10:49

@ Paul Laurendeau : Nous verrons bien quel impact aura Brüno sur les consciences collectives mais je pense qu'il sera amoindri parce que masqué derrière la vulgarité pourtant nécessaire du propos.

Dans un monde qui baigne depuis des centaines d'années dans l'interdit concernant l'homosexualité, fer de lance de bien des religions plus plus est, le capitalisme ou son renversement ne changeront pas grand chose. Mais il est toutefois important d'essayer.

24 juillet 2009 à 12:17

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