Nouvelle incursion française dans le film d"espionnage, genre pourtant monopolisé par Hollywood, Secret Défense débarque un mois après Mensonges d'État et, ô joie, il n'a (presque) rien à lui envier.
Il y avait de quoi être sceptique quant aux qualités du dernier né de Philippe Haim, réalisateur du très médiocre Les Daltons en 2004. La quarantaine semble néanmoins bien mieux lui réussir parce qu'en l'espace de 4 ans, nous passons du coq à l'âne, d'Ed Wood à Steven Spielberg, de la mine de charbon aux monts enneigés.
L'histoire de Diane (Vahina Giocante) embrigadée par la DGSE pour infiltrer un réseau terroriste installé au Liban et projettant un attentat sur le sol français. S'étant subventionnée ses études en se prostituant, son recruteur Alex (Gérard Lanvin) l'estime apte à mystifier Al Barad (Simon Abkarian), un leader qui ne s'en laisse pas conter si facilement. Est-ce le bon choix d'envoyer une débutante pour arriver à ses fins ?
Parallèlement, l'histoire de Pierre (Nicolas Duvauchelle), looser accompli et dealer à la sauvette qui après un séjour en prison et parce qu'il aura de bien mauvaises fréquentations, finira par croire que son salut sera d'abord l'islam puis le terrorisme. Est-ce le bon choix de se radicaliser pour arriver à ses fins ?
Deux âmes que le Diable décide de s'offrir puisqu'elles sont à vendre et qui finiront par se croiser : Secret Défense est un exemple (a)typique de ce qu'est un montage alterné avec convergence (oui parce que bon, The Birth of A Nation de D.W. Griffith, ça commence à sérieusement dater) à montrer dans toutes les écoles de cinéma. Le film prend le parti de nous montrer ces deux destins que tout oppose et qui pourtant finiront pourtant, après 1H30 de métrage, par être liés. Un montage astucieux qui n'est pas l'unique qualité du film de Philippe Haim.
Oeuvre aux fondations solides grâce à un scénario documenté, crédible et plein de rebondissements dont aucun n'est de trop, Secret Défense se paie le luxe d'un casting 4 étoiles qui porte le long métrage vers les meilleurs horizons. Si Vahina Giocante ne peut semble-t'il s'empêcher de montrer sa poitrine à l'écran, ce qui lui sera à long terme dommageable (des actrices comme Sharon Stone sont des fleurs qu'on aimait à cueillir jusqu'à ce que le temps fasse son office), elle n'en est pas moins désarmante de justesse. Lanvin joue une partition dont il connait la musique depuis longtemps et Abkarian a déjà prouvé dans Casino Royale qu'il était un méchant de grande classe. La surprise vient donc de Duvauchelle, qui confirme enfin tout le bien que l'on pense de lui dans ce rôle de fils brisé, alternant avec efficacité un être rongé par la violence et par un mal de vivre qu'il tente de consoler à travers une mère qui ne supporte plus de voir son enfant se crucifier.
Secret Défense doit également beaucoup à sa mise en scène, maîtrisée de bout en bout et qui se paie le luxe d'éviter les fausses notes rythmiques. Les séquences tournées caméra à l'épaule sont à ce titre impressionnantes de lucidité, et l'on sent une réelle volonté à ne pas en faire trop tout en apportant de la nervosité là où cela est nécessaire. Il ne manquera au final qu'une ambition esthétique plus dense pour rivaliser avec le dernier film de Ridley Scott, mais n'aura pas à rougir de la comparaison d'un point de vue formel et scénaristique.
Pourtant beaucoup moins porté sur les scènes d'action que son homologue américain, Secret Défense n'en demeure pas moins divertissant, et la précision de sa mise en scène n'aura d'égale que l'intelligence du scénario dont chaque dialogue pourra avoir l'air d'un effet de style mais s'avèrera un précieux indice pour les évènements à venir car, chose de plus en plus rare de nos jours, le finale risque de vous surprendre. Un indice : méditez sur la réplique de Lanvin affirmant qu'un agent n'est pas un être humain mais une arme, et vous comprendrez que le script ne laisse rien au hasard.
Reste à espérer que les prochains films d'espionnage français retiennent la leçon et que le cinéma de notre métropole continue sur cette voie. Après Pour elle, cette fin d'année 2008 donne à sourire enfin. Pourvu que ça dure.
En bref : Un scénario bien ficelé et une mise en scène intelligente font de Secret Défense un des meilleurs films d'espionnage réalisés sur notre territoire. Une bonne nouvelle pour les spectateurs et pour la santé de notre cinéma qui aurait bien besoin d'autres claques de ce genre. On regrette néanmoins que la dimension esthétique du long métrage de Philippe Haim manque d'ambition, ce qui laisse à penser que la marge de progression reste conséquente. Un bon film dont on aurait tort de se priver.
Rang : B
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