Morse  

Posted by Azariel in

Un plan. Tout Morse se raconte en un plan. C'est ce plan qui justifie presque deux heures de cinéma, non, de poésie, où l'on va voir naître sous nos yeux une histoire d'amour impossible entre Oskar (Kare Hedebrant) et Eli (Lina Leandersson). Le premier est un jeune garçon de douze ans solitaire, livré à lui-même, différent. Trop peut-être. Il en est devenu le souffre-douleur des vilains garnements de sa classe. L'autre est une jeune fille de douze ans "depuis longtemps" tout aussi marginale que lui. Car Eli est un vampire.

Ce plan, c'est l'avant-dernier de ce long métrage suédois signé par Tomas Alfredson. C'est ce plan d'une dizaine de secondes où Eli retient par la main Oskar dans la piscine. Il est à lui-seul la quintessence du lyrisme sanglant que l'on retrouve dans Morse. Car l'innocence de la rencontre de ces deux jeunes bambins va se mettre en parallèle avec l'horreur sidérante des mises à mort d'une créature nocturne qui a besoin de tuer pour se nourrir. Pourtant, tout n'est que grâce et beauté dans ce film. D'abord parce que les deux acteurs sont formidables. Attachants. Bouleversants. Mais aussi parce que la mise en scène glaciale redéfinit la notion-même de travelling. Tantôt horizontaux, tantôt verticaux. Inquiétants, c'est certain. Proches du génie, il n'y a qu'un pas.

Une atmosphère sombre et pénétrante qu'on ne doit pas uniquement au cadrage, mais aussi à la voluptueuse froideur des décors hivernaux. Stockolm ne vous glaçera jamais autant l'échine que dans ce film qui n'a pas grand chose à envier aux grosses productions hollywoodiennes.

Crie ! Crie comme une truie !

Morse est un constant choc de deux opposés contradictoires : un humain aux envies meurtrières amoureux d'un vampire à la destinée tragique car terriblement conscient de sa condition. Une tête blonde angélique et une créature gothique dans un environnemement profondément glauque pour une fresque fantastique intimement lumineuse.
C'est ce perpétuel équilibre entre mort glaçante et amour solaire qui impressionne. Parce qu'on est loin des conventions classiques du buveur de sang typique et que l'on s'amuse de celles-ci. Parce que le cinéaste privilégie la tension psychologique de son histoire en s'intéressant avant tout aux personnages et évite le grandilocant navrant que l'on retrouve trop souvent dans les adaptations télévisuelles et cinématographiques des enfants de Dracula.

Bref un choc. Une parfaite antinomie au récent Twilight - Chapitre 1 : fascination, à la différence que Morse réussit là où le film de Catherine Hardwicke échoue. Ou, pour rester dans la comparaison, si Gus Van Sant avait fait d'Elephant un film sur les vampires, cela aurait donné Morse. Rien que ça.


En bref : L'affiche se permet de citer Guillermo del Toro affirmant que ce film est le plus poétique et le plus obsédant qui soit. Je suis relativement d'accord avec lui. Et vous le serez aussi.

Rang : A

Plus d'infos sur ce film

This entry was posted on 06 février 2009 at vendredi, février 06, 2009 and is filed under . You can follow any responses to this entry through the comments feed .

4 commentaires

Anonyme  

Bonjour Azariel

Ta chronique m'a vraiment donné envie de voir Morse. Une poésie sur le fil du rasoir si j'ai bien compris ?
Le film Twilight suit le roman dont il est inspiré de très près. En est-il de même pour Morse ?

A bientôt
Alejandra

9 février 2009 à 11:12

Bonjour Alejandra, et bienvenue sur CinéBlog.

Je suis ravi de voir que mes chroniques peuvent motiver mes lecteurs à aller au cinéma, puisqu'après tout l'essentiel est là : vous faire partager ma plus grande passion.

Je t'avoue ne pas avoir lu le roman dont est tiré le film Twilight, car ce n'est pas du tout le genre de lecture qui trône sur ma table de chevet. Tu y trouveras concernant les vampires davantage du Anne Rice et du Bram Stoker. Cela a toujours été le genre de lecture qui m'intéresse, je n'ai jamais été attiré par les livres destinés aux enfants et aux adolescent(e)s, donc exit les Harry Potter, Twilight et consor.

En revanche, lorsqu'il y a une adaptation cinématographique d'un livre, je me renseigne toujours sur celui-ci pour savoir ce qu'il en est, et je sais que Twilight est une apologie sur l'abstinence, Stephenie Meyers n'étant pas pour rien mormone. Donc oui, en cela, je suis de ton avis lorsque tu dis que le film suit de près le roman.

Pour Morse, les différences sont notables. Tomas Alfredson a vraiment orienté son film sur l'histoire d'amour qui va unir Oskar et Eli, et moins sur l'horreur du monde qui les entoure. Cela dit c'est une bonne chose, car ce qui glace le sang dans ce film vient de la mise en scène, brillante, davantage que par le caractère obséquieux de certains personnages, plus polémiques, moins attachants.

En espérant que Morse te plaise, si tu décides d'aller le voir. Mais entre la vingtaine de prix internationaux que le film a obtenu (dont le Grand Prix Fantastic'Arts 2009 et le Prix de la Critique Internationale, obtenus au Festival du film fantastique de Gérardmer, ce qui n'est pas rien) et un remake américain déjà en chantier, preuve de sa qualité, tu peux y aller avec un minimum de gage de sécurité. J'attends ton avis sur la question prochainement.

Bonne séance !

9 février 2009 à 12:31
Anonyme  

Pour celles et ceux qui hésiteraient encore à aller voir Morse , je ne saurais trop vous conseiller de vous dépêcher avant que le film ne soit plus à l'affiche d'un cinéma près de chez vous.

Pour ma part, je compte bien aller le REvoir... :)


casimir

13 mars 2009 à 05:47

@ casimir : Tout d'abord bienvenue sur CinéBlog ! Et ensuite, merci de défendre ce film qui a hélas trop vite disparu de l'affiche et qui n'a eu que peu de succès sur notre territoire. Tu as raison de vouloir le voir une seconde fois, il y a plein de petits détails assez amusants à repérer une fois que nous connaissons les aboutissants du long métrage.

Il n'empêche, je reste encore à ce jour estomaqué par le fameux plan dont je parle dans la critique. Ils sont rares, ces plans aussi intenses d'un point de vue de la charge émotionnelle, esthétique, et lyrique.

13 mars 2009 à 09:57

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