Terminator 4, ou l'opus de la renaissance annoncée. C'est pourtant à un enterrement que l'on assiste. Pas que
James Cameron soit enfoui six pieds sous terre, mais plutôt qu'il n'a jamais voulu retrousser ses manches pour s'occuper lui-même des suites données aux deux monuments de la SF que sont
Terminator (1984) et
Terminator 2 : le jugement dernier (1991). Qui l'en blâmerait, cela dit ?
T2 bouclait la boucle et comme le disait le seul cinéaste qui ait jamais su faire quelque chose des talents d'acteur (*sigh !*) d'
Arnold Schwarzenegger, il n'est nul besoin de donner suite à un diptyque se suffisant à lui-même. Ce n'était toutefois pas l'avis du célèbre producteur
Mario Kassar (fondateur de la défunte Carolco International Pictures, société de production à l'origine de gros hits d'action durant les années 80), reformant pour l'occasion de
Terminator 3 : le soulèvement des machines (2003) son tandem de choc avec
Andrew G. Vajna. Faisant fi de la non-participation du futur créateur d'
Avatar, ils engagèrent le réalisateur de
Breakdown (1997) et
U-571 (2000)
Jonathan Mostow pour prendre la relève et nous offrir une simili-continuité à
T2 (les mauvaises langues parleront plutôt de "remake"). La suite, on la connait, et à ce jour on recherche encore activement le corps du défunt metteur en scène dans les entrailles d'Hollywood. Il parait aux dernières nouvelles qu'un producteur a été assez frappé de la cafetière pour financer son come-back avec le très attendu (oui, c'est ironique)
Clones.
Mais revenons à nos moutons (ou à nos cyborgs, en l'occurence). Six ans après que la trilogie ait été achevée, un nouvel épisode pointe le bout de son nez sur nos écrans,
Terminator Renaissance étant le premier d'une trilogie inédite prévue par les nouveaux producteurs à la tête du projet (
Kassar et
Vajna étant cette fois producteurs exécutifs). La trilogie prend alors des allures de saga et le public, quant à lui, piaille d'impatience de voir le résultat sans le Gouvernator devant la caméra mais avec
Christian Bale et
Sam Worthington pour lui succéder. Après des mois de campagnes publicitaires et de matraquage marketing, le résultat est à présent sous nos yeux. Et c'est dans ces moments-là que l'on se met à envier les aveugles...
Ce dont souffre Terminator Renaissance, pour commencer, c'est de son passé. A partir du moment où un film s'inscrit dans la continuité de plusieurs autres longs métrages, qu'il s'agisse d'un renouveau ou non, il y a un héritage, un lourd tribut sur lequel on ne peut pas fermer les yeux. Or, le réalisateur à la charge de sonner cette messe funèbre n'en fera rien. Il aura beau multiplier les clins d'oeil aux premiers films, souvent maladroitement voire grossièrement amenés, rien n'y fera, T4 (ou T1', comme bon vous semble) ne respecte pas le minimum imposé par le cahier des charges d'une bonne suite. Cela va de la chanson You could be mine des Guns N' Roses (titre-phare dynamisant le second volet) convoquée ici le temps d'un énième bâillement, au pompage plan par plan de certaines séquences d'action des opus de Cameron, jusqu'à parfois reproduire à l'inclinaison de caméra près le même schéma sensori-moteur de ses aînés. On veut bien qu'il y ait allusions et hommage, mais de là à copier son voisin, il y a de quoi coller un zéro pointé.
Une mauvaise note partagée par Danny Elfman, à mille lieues de la qualité des compositions musicales auquelles il nous a habitué chez un Burton ou un Raimi par exemple. Le massacre (et encore, le terme est faible) du thème principal originellement composé par Brad Fiedel est l'un des nombreux exemples qui pousse à écouter Terminator Renaissance avec les yeux uniquement, pour peu que notre envie de perdre la vue ne devienne pas pulsionnelle. Car la palme du mauvais goût est à remettre sans conteste à McG, réalisateur sans la moindre once de génie artistique, incapable d'imprimer une esthétique et une harmonie cinématographique à son immense gâchis. Son talent à concevoir et élaborer son espace par le biais du choix de l'angle de ses plans n'a guère évolué depuis Charlie et ses drôles de dames, et l'on a peine à voir la différence entre sa façon d'appréhender le cinéma et celle de mettre en images les vidéoclips qu'il a par le passé tournés.
McG devient même particulièrement agaçant lorsqu'il affiche fièrement à l'écran le budget colossal de son film sans le moindre soupçon d'intentions créatives, et donne l'impression d'un gamin à qui l'on vient de filer un nouveau jouet : caméras heurtées, mouvements de plans à plus de 180°, effets spéciaux et plans larges à foison... Il a les moyens, et il veut que cela se voit. C'est avoir bien mauvaise opinion de la saga voire du cinéma. Cameron avait réussi le pari insensé d'être le premier à mettre le numérique au service de l'histoire, McG parvient quant à lui à enfouir l'histoire sous le numérique. L'exploit est de taille, mais ne lui jetons pas la pierre car il est loin d'être le premier à tomber dans ce piège.
De même, il fallait pour lui réussir à se débattre avec un scénario fort douteux : passons sur l'amourette entre un humain et un cyborg, le problème est tout autre. Si la trame principale se tient, et si la plus grande réussite de Terminator Renaissance est de stopper la surenchère technologique entamée dans Terminator 2 : le jugement dernier (ça ne vous a pas gêné vous, cette histoire de métal liquide ?) afin de revenir aux fondements mécaniques, là où l'idée de machine et de robotique rendait le T800 modèle 101 terrifiant (parce que crédible, justement), on ne pourra s'empêcher de regretter tous les à-côtés qui faisaient la richesse et la profondeur de la mythologie "Terminator". Le premier film était incroyablement visionnaire, le second développait des thèmes puissants tel que celui de la paternité, tout deux philosophaient sur la notion de destin. Une opulence qui marque comme souvent la frontière entre la complexité introspective de la science-fiction et les horizons bien moins méditatifs du film d'action. Car ne nous y trompons pas, ce nouveau volet entre clairement dans la seconde catégorie, à contrario de ses prédécesseurs.
Jugé en tant que tel,
Terminator Renaissance n'est pas désagréable : si c'est tout ce que l'on attend d'un film, et si l'on est frappé d'amnésie sur ce qu'est un
Terminator, alors oui, le long métrage de
McG est un film divertissant bourré d'action et d'effets spéciaux qui ne nécessitera que très peu vos neurones, et ne sollicitera jamais vos propres sentiments. Il ouvre la voie à une nouvelle dimension scénaristique grâce au jonglage spatio-temporel opéré (une nouvelle mode à Hollywood après
Star Trek ?) et assure une nouvelle histoire où le convenu n'est pas de mise. Et qu'importe si
Christian Bale est très en dessous de ses moyens (même si l'on a peine à voir les nuances dans son jeu depuis
Equilibrium, à croire que faire du cinéma l'ennuie terriblement ou qu'être mono-expressif est la seule corde qu'il ait à son arc), le script est à la portée de tous et ses mystères se dénouent rapidement (à tel point que deux heures après la séance, on n'y pense déjà plus).
On sent néanmoins que le montage n'a pas fait que du bien à ce
T4. L'action ayant été très clairement privilégiée, certaines trames sont tout bonnement passées à la trappe, à commencer par la relation entre John Connor et sa femme Kate (ici interprété par
Bryce Dallas Howard), cette dernière étant réduite à quelques apparitions et un plan sur sa grossesse. D'autant que John lui-même n'est pas le moteur de l'action dans ce découpage, rôle dévolu à Marcus Wright, véritable personnage principal de l'oeuvre. Un comble. Mais pas forcément en contradiction avec l'esprit d'inovation qui souffle sur les braises de la renaissance voulue, même si celle-ci déçoit bien plus qu'elle ne convainc.
Un dernier mot sur le peu de présence de l'humour qui mettait du sel à la saga (ici, vous rieriez uniquement en reconnaissant les divers caméos) et les décors post-apocalyptiques choisis par l'équipe artistique afin de représenter 2018, bien plus austères que ce que les différentes affiches annoncaient. En espérant un futur
Terminator en 2029, époque bien plus prometteuse au regard de la première trilogie. En espérant surtout un cinéaste bien plus inspiré que celui choisi, ce qui semble bien mal barré puisqu'il est déjà annoncé à la tête de
Terminator 5. Ou quand on touche le fond il y en a que ça amuse de creuser encore.
En bref : [SKYNET AUTOBOOT] Action... OK / Effets spéciaux... OK / Explosions... OK / Mise en scène... DYSFONCTION / Scénario... DYSFONCTION / Montage... FATAL ERROR / Acteurs... SEARCHING IN PROGRESS / Film... ERASE & REWIND REQUIRED.Rang : CPlus d'infos sur ce film