Je te mangerais  

Posted by Azariel in

Je te mangerais. Deux questions s'imposent : Qui est "Je", et pourquoi la première personne du conditionnel présent ? La réponse à ces questions allaient être deux des trois éléments les plus fascinants du film de Sophie Laloy.

Premier long de la réalisatrice après avoir été un temps ingénieur du son, Je te mangerais raconte l'histoire de la jeune Marie (Judith Davis), quittant sa famille pour des raisons économiques afin de vivre à Lyon en collocation avec une amie d'enfance, Emma (Isild Le Besco), dans le but d'étudier le piano dans l'un des meilleurs conservatoires de France. Une relation perverse et destructrice s'installe entre les deux jeunes femmes, la seconde se consummant dans les flammes passionnelles, et la première, bouleversée par son incapacité à céder à son désir, n'hésitant pas à les entretenir.

Il est un jeu de tentations et de tentatrices que Laloy sait mettre à merveille en scène : magnifiant les corps, isolant les âmes, torturant les coeurs, la réalisatrice filme avec une grâce insolente ce duel qui n'en est pas un. Si l'on songe à tort que le long métrage verra naître la domination à l'usure d'Emma sur Marie, on se rend compte bien vite qu'il est impossible de prévoir qui des deux dévorera l'autre. Subtils, les retournements de situation ne sont jamais de trop. Pas même le triangle amoureux s'étant formé, tantôt avec le piano, tantôt avec Sami (Johan Libéreau), permettant de relancer une tension oppressante de tous les instants tout en préservant l'atmosphère intimiste séant au film pour éviter de tomber dans un voyeurisme malvenu.

Judith Davis et Isild Le Besco : à croquer.

Il faut dire que les deux jeunes femmes incarnant Marie et Emma sont d'une sensualité et d'une justesse telles qu'on oublie bien vite le joli minois des deux actrices pour ne plus voir que leurs personnages. C'est dire le niveau de leur performance, justifiant à lui-seul l'intérêt que l'on peut porter au film. Les scènes de séduction, dérangeantes à souhait, sont sublimées par le trouble que l'on ressent chez elles, l'une tentant d'asseoir sa domination sur celle qu'elle aime, l'autre tentant de lui résister malgré son envie, presque evanescente, de céder.

La partition comporte toutefois quelques fausses notes, malgré la présence de Ravel et de Schumann accompagnant le crescendo d'un amour contrarié. Si l'on sait en fin de compte qui mange qui quand vient le clap final, on pourra regretter que Sophie Laloy n'ait pas plus insisté sur l'intensité de son drame pyschologique, particulièrement en ce qui concerne le personnage de Marie, parfois laissé à l'abandon au milieu de ses contradictions. Trop convenu ou trop sage, Je te mangerais aurait mérité de finir en véritable orgie cannibale, mais se contente du plat de résistance. L'essentiel est là.


En bref : Premier essai concluant pour Sophie Laloy qui signe avec Je te mangerais un drame intimiste dérangeant où la caméra caresse les corps avec sensualité et froideur mais dont le récital, bien qu'ambitieux, se révèle moins vibrant que les musiques classiques qu'il emprunte le temps d'une métaphore. À noter la composition étonnante de deux grandes actrices à surveiller de près.

Rang : B

Plus d'infos sur ce film

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10 commentaires

Anonyme  

Je ne sais si j'irai voir le film mais la critique, enfin surtout la plume pour l'écrire, est sublime ! Bel écrit Azariel.

23 mars 2009 à 22:43

@ Yon : Le film est tellement peu exploité de toute façon (8 salles en France seulement) que je doute que tu puisses aller le voir aisément. Je te remercie pour le compliment, cela me fait très plaisir. Heureusement qu'on ne voit pas les gens rougir derrière leur écran sur internet ! ;-)

24 mars 2009 à 07:18
Anonyme  

Héhé
Mais me voilà débarquant dans la capitale dimanche...donc je pourrais sans doute aller le voir (j'ai noté le MK2 et les UGC [je prendrai sûrement la carte illimitée d'ailleurs])...

25 mars 2009 à 00:05

@ Yon : Faut-il qu'il soit encore à l'affiche ! Il n'est plus aujourd'hui exploité que dans 5 salles en France, dont 2 à Paris. Tu le trouveras (pour l'instant) à l'UGC Orient Express dans le 1er arrondissement, près de l'UGC Ciné Cité Les Halles. Donc c'est je pense cette semaine ou jamais pour le voir en salles.

Bonne idée que de te procurer la carte d'abonnement, car vu la place de cinéma dans Paris (généralement dans les 10 €), en deux séances tu la rentabilises chaque mois.

Et bonne nouvelle pour ton arrivée sur Paris, tu vas pouvoir goûter aux joies de la vie parisienne. Attention au choc ! ^^

25 mars 2009 à 08:27
Anonyme  

10€ même avec une carte étudiante ? Je sais que Paris, c'est la folie des grandeurs mais quand même !
Et puis j'ai eu un avant-goût de cette vie là l'an dernier déjà, pendant 3 semaines !

25 mars 2009 à 15:23

@ Y : Non, effectivement, avec une carte étudiante, on bénéficie d'une réduction de l'ordre de 3 € en moyenne. Mais mine de, 7 € pour un étudiant, c'est une somme malgré tout ! C'est bien pour cela qu'il est impensable, quand on aime le cinéma et que l'on vit sur Paris, de ne pas avoir une carte d'abonnement, quelqu'elle soit (UGC / MK2, Gaumont, etc).

25 mars 2009 à 22:03

ouais enfin avec bonheur tu te rends compte qu'avec les cartes tu es bloqué à un seul type de salle, ce qui peut être facheux lorsque tu vas au ciné avec des potes qui sont chez le concurrent ....

sinon je sais pas pourquoi mais je sens que ce film risque de me brouter ...

26 mars 2009 à 11:17

@ ada : Ça parle de lesbiennes et toi tu parles de brouter... C'est du joli ! :p

Pour les salles, je te signale que le problème se pose avec Astraal puisqu'à la fac nous avons tous une carte UGC / MK2 sauf lui. La raison étant comme tu le sais l'abondance de cinémas Gaumont aux alentours de Montparnasse, pour vos virées dans les salles obscures.

Donc oui, ça fait ch... de ne pas pouvoir aller tous au cinoche ensemble !

26 mars 2009 à 20:15

oui et c'est exactement mon problème !! je vis aux gobelins où le seul ciné correct est l'UGC (plus l'escurial mais ils prennent toutes les cartes) et ce bouseux a la carte gaumont ! niurf

27 mars 2009 à 10:05

@ ada : C'est clair, quel bouseux cet Astraal ! 1H30 à la Fnac de Place d'Italie pour choisir deux malheureux DVD, je viens de le quitter à l'instant-même. Même pour ça il est pas aware ! (c'est ça de ne pas avoir grandi avec JCVD ;) )

27 mars 2009 à 20:28

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