Parce que cette histoire est l'Histoire, tout simplement. Parce qu'il n'est jamais inutile de rappeler qu'il y a trente ans, la communauté gay au sens le plus noble du terme naissait grâce au courage d'un seul homme. Parce qu'il n'est jamais inutile de rappeler qu'il y a trente ans des gens étaient violentés et même tués pour la seule raison d'être différents. Parce qu'il n'est jamais inutile de rappeler qu'il y a trente ans, des personnes comme Anita Bryant ou le sénateur John Briggs humiliaient les invertis en défendant des idées telles que la Proposition 6, projet de loi abject autorisant le licenciement des enseignants ouvertement homosexuels. Parce qu'il n'est jamais inutile de rappeler qu'il y a trente ans, ce n'est pas si lointain et qu'aujourd'hui encore la discrimination n'est pas enrayée, loin de là.
Harvey Milk est donc un film plus qu'essentiel, il est nécessaire. Gus Van Sant avait ce projet en tête dès les années 90, imaginant d'abord River Phoenix dans le rôle avant de ne le proposer en 1998 à Sean Penn. Une longue attente qui en vallait définitivement la peine.
Harvey Milk est un film politique dont le sujet aurait pu se suffire à lui-même s'il n'y avait pas eu un grand cinéaste à la barre. Van Sant rend compte avec brio de l'exaltation des années 70, dans tout ce qu'elles avaient de fébriles et de fougeuses. Il pose sa caméra à des endroits où on ne l'attend pas toujours, et use d'images d'archive avec une rare intelligence à un point tel que son approche est quasi-documentaire. Cela n'enlève rien aux qualités filmiques de son oeuvre, mais l'effet propre à l'exposition des faits trouvent une raisonnance tant symbolique qu'historique rendant l'immersion totale. On est instruits, mais on est également touchés. Et qu'importe si les secrets les plus noirs sont passés sous silence ou tout juste murmurés, seules compte la dimension humaine et sociologique de la croisade d'Harvey Milk contre l'intolérance et pour l'intégration de la communauté homosexuelle.
En bref : Gus Van Sant signe avec Harvey Milk un drame humaniste inmanquable, esthétiquement impressionnant et habité par la présence magistrale de Sean Penn. S'il y avait un biopic à emmener sur une île déserte, ne cherchez plus, c'est celui-là.
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