Across The Universe
Réalisé par Julie Taymor.
Comédie musicale américaine (2007)
Durée : 2H08
Avec Evan Rachel Wood, Jim Sturgess, Joe Anderson.
Sortie française au cinéma : 28 Novembre 2007
Jude et Lucy sont plongés, avec des groupes d'amis et de musiciens, dans le tumulte des années anti-guerre et des révolutions culturelles, guidés par "Dr Robert" et "Mr Kite". Jude et Lucy sont la proie des forces tumultueuses qui secouent l'époque et vont les obliger à se trouver eux-mêmes pour se retrouver l'un l'autre...
Oeuvre ambitieuse passée presque inaperçue en salle, Across The Universe est l'un de mes coups de coeur 2007, aux côté de Cashback et de My Blueberry Nights. Et je vais m'employer à vous expliquer pourquoi.

Les Beat...else ?!
Néanmoins, il aura fallu un film, il aura fallu une refonte moderne de 33 des quelques 200 chansons composées par les Beatles pour me faire changer d'avis au point que 9 mois après sa sortie sur écran large, la bande originale d'Across The Universe soit l'album que j'écoute le plus fréquemment actuellement. Sacré exploit !
N'étant pas un musicien expert, je ne vais pas me mettre à vous parler de 3 ou 4 temps, d'instruments, etc, je laisse cela aux experts. Mais prenez par exemple I want to hold your hand, Oh ! Darling, ou encore Hold Me Tight et écoutez derrière la version des Beatles : ces dernières paraissent bien molles ! Rien de critiquable, autre temps, autre moeurs. Mais étant un enfant des 80's et non des 60's, ayant été biberonné avec des groupes rock tel que Queen, Les Beatles m'ont toujours apparu comme des génies d'un temps qui n'était pas le mien, dans ses ideaux, dans son groove.

Certes, Jim Sturgess (aka Jude) n'en est pas à son coup d'essai et Evan Rachel Wood (aka Lucy) est, en plus d'être actrice surdouée et divinement belle, chanteuse (ainsi que la compagne actuelle du chanteur Marilyn Manson, ce dont au passage on se fout).
Mais prenez Joe Anderson (aka Max, le frère déjanté de Lucy) qui avoue lui-même ne jamais avoir chanté, ni pris de cours de chant... Quelles versions de Hey Jude et Happiness is a Warm Gun ! J'aimerai bien chanter aussi mal que lui pour ma part !
N'oublions pas les quelques guest stars, et non des moindres, dont certaines viennent pousser la chansonnette, tels Bono (du groupe rock irlandais U2) et Joe Cocker. Rien que ça !
J'aimerai souligner d'ailleurs les performances de T.V. Carpio sur I want to hold your hand et d'Evan Rachel Wood sur If I Fell, chansons ô combien casse-gueule mais interprétées avec une justesse désarmante.
Au final, ne serait-ce qu'un d'un point de vue musical, ce film fut pour moi une véritable surprise. Je ne me sens pas devenu fan pour autant des Beatles mais il est certain que ces reprises ont réussi à me faire oublier le côté un peu vieillot des originales et m'ont permis d'apprécier pleinement les mélodies et les paroles pour ce qu'elles sont.
D'ailleurs dans un souci de vraisemblance et pour rendre les nouvelles versions plus authentiques, il est amusant de constater que le matériel utilisé par les musiciens est celui d'époque.
Et encore, s'il n'y avait que le travail des compositeurs et du superviseur de la musique (T-Bone Burnett, loin d'être un inconnu dans le milieu) qui m'avait bluffé...
Coup d'essai ?
Mais Julie Taymor n'est pas que cela. Elle fait surtout partie du monde du spectacle, plus particulièrement des comédies musicales. Elle a d'ailleurs obtenu un Emmy Award en 1994 pour son travail de productrice et de metteure en scène.
Outre sa célèbre adaptation du Roi Lion de l'univers Disney, elle a également travaillé sur les comédies musicales mettant en scène La Flûte Enchantée (Mozart) ou encore Le Hollandais Volant (Wagner). Elle s'apprête d'ailleurs à retrouver les deux acteurs principaux d'Across The Universe en mettant en scène Spider-Man version comédie musicale.
Bref, Julie Taymor a du métier, et cela se voit dans Across The Universe !

S'il y a une scène du film que je devais citer m'ayant plus impressionné que les autres, c'est au moment où Max se fait enrôler par l'armée pour partir au Viêt Nam, avec pour fond sonore I Want You.
La critique est tellement acerbe que je n'ose plus séparer cette chanson du contexte dans lequel la réalisatrice nous plonge tant les paroles prennent un tout autre sens grâce aux images, aux visages déshumanisés des soldats américains venant jusqu'à ôter à Max sa personnalité (incarnée ici par ses vêtements).
Toute cette scène met en lumière l'aspect contestataire d'une Amérique que je n'ai pas connu à cette époque et qui pourtant me parle tant (l'Irak n'est pas très loin...).
Parfois, comme c'est le cas avec le passage où les protagonistes rencontrent Mr Kite, on sent même une légère touche burtonienne très psychédélique, qui témoigne d'un univers plastique très large et enrichi un film qui avait déjà la lourde tâche, à partir de l'empreinte musicale des Beatles, de raconter une histoire reflétant une époque pas si révolue que cela.
Je vous laisse le plaisir de découvrir les autres idées brillantes lorsque vous visionnerez le long métrage (fondu enchaîné pas piqué des hannetons, fraises "explosives", etc).
Une véritable réussite artistique, sur tous les points !
Et la délicatesse, bordel !
Les acteurs sont-ils à la hauteur, surtout que la plupart sont d'illustres inconnus ? L'histoire ne souffre-t'elle pas des chansons venant entrecouper les dialogues ? Y'a-t'il une histoire au moins, qui tienne la route ?
...je vous rassure, c'est le cas quant à la dernière de mes interrogations.
Plus encore, l'histoire se lit à plusieurs niveaux et chacune d'elle est une réussite totale.
Tout d'abord, il y a cette magnifique histoire d'amour entre deux êtres dont la rencontre ne pouvait être qu'improbable, lui ouvrier de Liverpool, et elle issue d'une richissime famille américaine. Cette histoire d'amour n'est pas pour autant banale, tant elle se construit sur des bases friables : Jude n'est pas tout à fait un coeur à prendre et Lucy fait le deuil de son petit ami tombé au Viêt Nam.
Et c'est justement cette perte qui rendra leur histoire d'amour compliquée : traumatisée, Lucy deviendra une fervente partisane de la paix, d'autant que son frère Max, qu'elle adore, va à son tour se faire envoyer au front. Jude de son côté n'est pas concerné et ne se sent pas concerné non plus. Il ne partage pas ses idéaux, il se laisse porter par la vague (un peu comme moi, d'ailleurs) et fatalement, il ne pouvait y avoir qu'un clash entre ces deux coeurs pourtant si liés.

Que cela soit pour l'un ou l'autre, il est extraordinaire de constater à quel point les paroles des chansons des Beatles sont si justement employées, celles-ci nous donnant l'impression qu'elles sont écrites pour ce film, tant elles tiennent lieu et place naturellement de dialogues entre les personnages. J'applaudis le rendu, qui ne nous donne jamais une impression de rupture comme c'est souvent le cas dans ce genre cinématographique.
Un film zéro défaut ?
A commencer déjà par son genre, justement : si l'on ne se laisse pas bercer par les musiques et que l'on y est hermétique, nous passerons forcément un mauvais moment, surtout que 2H08 pour qui n'y est pas sensible, c'est long !
Fort heureusement les musiques faisant parties intégrantes du scénario, on peut toujours se boucher les oreilles et suivre l'histoire en lisant les sous-titres. Peu pratique, cependant.
De même, l'oeuvre est tellement dense qu'elle sacrifie hélas certains seconds rôles, Prudence (T.V. Carpio) en tête, au profit des deux protagonistes principaux.
Enfin, autant j'ai appuyé sur le fait que le film était une véritable réussite artistique, autant elle est parfois trop flamboyante, au risque de nous créer une indigestion. Le passage de Mr Kite justement est le passage m'ayant le moins plu, car il casse le rythme d'un film qui n'en a surtout pas besoin.
Pour conclure

Pourtant, dans les jours qui ont suivi, les musiques et les trouvailles visuelles ont peu à peu commencé à m'obséder. Je me suis donc précipité sur le DVD à sa sortie pour comprendre pourquoi un film dont je n'étais pas ressorti euphorique occupait autant mes pensées. Et effectivement, le second visionnage répondit à ma question.
Jouant sur une multitude de petits détails tous plus sympathiques les uns que les autres, le meilleur nous permet d'oublier le moins bon pour faire d'Across The Universe LA comédie musicale de ces 20 dernières années, et surtout le film dont la bande originale m'aura permis de découvrir Les Beatles, ce qui ne serait peut-être jamais arrivé.
Chapeau bas, Miss Taymor !
