Brothers  

Posted by Azariel in

A trop naviguer entre deux rives délicieusement tumultueuses, Jim Sheridan s'empêche le lyrisme et l'acerbe tant une dichotomie des superficialités profondes vient émailler un récit qui n'en avait guère besoin. Hésitant entre triangle amoureux qui tente d'exister et regard sincère et critique de l'Amérique post-Bush, Brothers souffre de deux problèmes diminuant la densité émotionnelle et l'impact que l'oeuvre aurait dû avoir : d'une part les ficelles narratives sont trop épaisses, le dénouement final étant largement éventé par une mise en scène qui ne pouvait tendre que vers un épilogue sans audace, et d'autre part ces ficelles s'emmêlent de par leur multiplicité hasardeuse dénuée d'insignifiance.

Là où Sheridan est le meilleur, c'est lorsqu'il montre un Tobey Maguire captif, prisonnier avec le seul survivant de son unité après que leur hélicoptère se soit crashé en plein Afghanistan, mais également prisonnier avec lui-même. Là où il aurait pu être meilleur, c'est lorsqu'il s'intéresse à la famille du militaire inflexible en apparence, cette dernière le pensant mort, alors qu'elle tente de se reconstruire. Entre une femme rongée par le chagrin (Natalie Portman) et un frère un rien looser (Jake Gyllenhaal) cherchant à combler le vide laissé derrière le funeste, il y avait pourtant matière à broder. Mais le refus d'un parti ou de l'autre créé des attentes qui ne seront jamais assouvies, l'émotion n'arrivant pas à s'émanciper d'un trio d'acteurs pourtant au diapason. Un non-choix rendant tous les efforts du cinéaste caducs.

Trop timide dans sa construction et trop prétentieux dans sa démarche, le film perd en intensité ce qu'il gagne en lisibilité. La famille mise en abîme a pourtant des démons qu'il est passionnant de sonder, mais le propos atténué par la multiplicité auparavant évoquée n'apporte pas la vigueur que les grands récits tragiques portent en leur germe pour tantôt bouleverser, tantôt révolter.


Rang : C

This entry was posted on 06 février 2010 at samedi, février 06, 2010 and is filed under . You can follow any responses to this entry through the comments feed .

4 commentaires

Belle analyse, qui met le doigt clairement sur ce qui gène à la sortie du cinéma, le sentiment confus que Sheridan est passé à côté de son film, et qui donne même l'impression d'avoir eu peur de creuser son sujet. Dommage, il y avait certainement matière à faire un vrai bon film...

8 février 2010 à 12:59

@ Sylvaine : C'est toujours agréable quand on vous rappelle que vous avez fait du bon boulot, alors merci à toi ! :-)

Comme tu l'as si bien dit, dommage, car si le sujet est là, le grand film n'est qu'à portée de main. Michael Bay dans Pearl Harbor a eu bien moins de complexes à y aller franco dans le triangle amoureux !

8 février 2010 à 22:53

Très belle critique en effet.
On doit aller le voir la semaine prochaine.
Ca me refroidit un peu mais au moins je me ferais ma propre critique.

9 février 2010 à 16:26

J'ai grand espoir en Tobey Mcguire, j'espère vraiment le voir mis en avant dans ce film, j'ai le sentiment qu'il a ce quelque chose qui me donne l'espoir de le voir se révéler comme étant un excellent acteur. Désolé pour la complexité de ma phrase (elle a un sens il me semble malgré tout), je vais aller le voir, j'ai une critique à faire de toutes manières (je viens de commencer mon semestre avec le cours d'écriture critique), je lirai ta critique après :-) J'espère ne pas être déçu !

11 février 2010 à 00:25

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